Optimisation des stratégies de construction-entretien pour les autoroutes A28 et A85 (TWSINFO N°17 – Janvier 2001)

Luc-Amaury GEORGE, Daniel DURAN,Retour ligne automatique
COFIROUTE,Retour ligne automatique
Michel DAUZATS, Retour ligne automatique
LRPC d’Aix-en-Provence

Première société concessionnaire privée en France, COFIROUTE exploite 800 kilomètres d’autoroutes à l’ouest et au sud-ouest de Paris et construit ou étudie 275 kilomètres supplémentaires.

A l’écoute des besoins de ses clients, la société Cofiroute attache une grande importance à la qualité des chaussées de ses autoroutes.

Investissant régulièrement dans la construction de nouvelles chaussées et dans l’entretien des existantes, elle développe depuis sa création une stratégie originale lui permettant d’optimiser le coût de ces chaussées.

L’expérience acquise sur l’autoroute A10

La section Tours-Poitiers

En 1977, pour construire cette section, Cofiroute retient une structure de chaussée alors innovante : une plate-forme support de qualité, une couche de fondation en grave bitume ou sable bitume, une couche de liaison épaisse en enrobés denses, une couche de roulement classique en BBSG.
Résolument innovante, elle choisit de construire une chaussée avec une durée de vie structurelle courte et projette de la renforcer au fur et à mesure des besoins.
Après la construction, vient l’entretien : entre 1984 et 1990, sont réalisés des rechargements de béton bitumineux en 6 à 7 cm, puis, plus tard, entre 1994 et 1998, des nouvelles couches de roulement de 4 cm en moyenne.

En 1999, les chaussées présentant des signes de fatigue, persistants sur certaines sections, Cofiroute confie une mission d’expertise au laboratoire régional des ponts et chaussées d’Aix-en-Provence en vue d’établir un diagnostic structurel et d’élaborer une stratégie de réhabilitation.

Diagnostic structurel et stratégie de réhabilitation

Fondée sur ERASMUS, l’étude conduite en 1999 intègre les concepts novateurs de la mécanique des chaussées, notamment l’évolution des matériaux traités dans le temps (vieillissement, fatigue).

Au jeune âge, les matériaux traités de la chaussée voient leur rigidité augmenter du fait de leur vieillissement. Il s’ensuit que les déformations tangentielles consécutives aux passages des charges tendent à diminuer. Comme par ailleurs les limites de fatigue restent constantes, la vitesse d’endommagement diminue avec le temps jusqu’au moment où, sous l’effet de la fatigue, la rigidité commence à baisser.

Ainsi, le fonctionnement passé des deux sections témoins, objets de l’étude, est-il apparu sous un nouveau jour. Dès lors, ont été construits des diagnostics structurels et des solutions de réhabilitation cohérents avec l’intuition et l’expérience des ingénieurs de Cofiroute.

Optimiser les stratégies sur A28 et A85

Forte de l’expérience acquise sur la section Tours-Poitiers, Cofiroute a souhaité étudier les cas des projets d’autoroute A28 et A85 à la lumière de la démarche proposée par le LRPC d’Aix-en-Provence.
Pour la concision de l’exposé, la suite de l’article ne concerne que l’autoroute A28 et plus particulièrement une section de plus de 20 km notée LN.

Devant relier à moyen terme Alençon et Tours, cette autoroute doit être mise en service progressivement, tronçon par tronçon.
A chaque tronçon est attachée une prévision de trafic qui donne le trafic à la mise en service, puis année par année jusqu’en 2030 (confère « Évolution du trafic »). S’agissant de l’autoroute A28, le trafic escompté est « durablement modéré ».

Concernant la chaussée, la structure envisagée est totalement bitumineuse (couche de base GB de classe 4, couche de roulement BBTM ou BBSG) et, afin d’éviter la création d’une couche de fondation, il est prévu de réaliser la plate-forme en deux phases : une pour assurer le trafic de chantier, l’autre pour obtenir un réglage convenable de la plate-forme, avec une tolérance faible sur l’écart d’épaisseur de la couche de base (SH = 1 cm).

Enfin, la couche de forme est conçue pour obtenir une plate-forme de classe PF3 voire PF4. Pour la constituer, il est envisagé de traiter le sol en place avec un liant hydraulique, solution adaptée dans le cas des sols fins bien sûr mais aussi des sols grenus. Voire, pour en obtenir une excellente (PF4), de recourir à des solutions à base de sables ou de graves traitées, soit en place, soit en centrale, selon des épaisseurs variables avec les performances obtenues en laboratoire (module et Rt).

Démarche de l’étude

L’étude porte sur chacune des sections homogènes envisagées en terme de trafic et de plate-forme et comprend trois étapes :

 

  • définition de la solution de référence,
  • optimisation,
  • vérification.

 

Définir la solution de référence

> On commence par déterminer la chaussée associée à la stratégie dite préventive, laquelle est calculée pour n’avoir besoin d’aucun entretien structurel pendant une durée longue (20 ou 30 ans).
Ce calcul est effectué en se fondant sur le guide technique LCPC-SETRA et sur les concepts qui le fondent : essieux équivalents, modules constants, déformation admissible, etc.
Au terme du calcul, conduit en utilisant ALIZE et en appliquant les formules décrites dans le guide, on obtient la solution 21GB4+2,5BBTM.

> Si l’investissement initial associé à la chaussée obtenue, en l’espèce PF3+21GB4+2.5BBTM, est élevé, son entretien est en principe peu onéreux : il ne concerne que la surface de celle-ci et ne vise qu’à rétablir les caractéristiques d’adhérence, d’étanchéité, etc.
Recommandées par la Direction des Routes, les chaussées associées à cette stratégie constituent la référence. Cependant, elles peuvent faire l’objet d’optimisation comme présenté dans la suite.

Optimiser la solution de référence

En premier lieu, il apparaît qu’on peut optimiser en considérant les apports structurels associés aux entretiens successifs. En effet (confère « Évolution du dommage »), si la courbe de dommage obtenue, en réduisant l’épaisseur de la couche de base, se situe résolument au dessus de celle de la stratégie préventive, elle s’incurve lors de chaque rechargement pour arriver au même point à la fin de la période de référence (30 ans).

En outre, au regard des pentes respectives des courbes de dommage, on remarquera que la stratégie d’aménagement progressif offre de meilleures perspectives d’évolution que sa concurrente.

En second lieu, on peut poursuivre l’optimisation si on considère, comme lors de l’analyse de la section Tours-Poitiers (confère ci-dessus), l’incidence du vieillissement des matériaux bitumineux et l’amélioration de la résistance à la fatigue qui en résulte.

Eu égard à la complexité calculatoire du problème posé par l’optimisation, il s’avère nécessaire de mettre en œuvre un système intégré prenant à sa charge l’ensemble des calculs, en l’occurrence le module chaussées neuves d’ERASMUS.
A l’aide de ce système, pour une séquence d’entretiens successifs (par ex. 6BBSG à 7 ans, 2.5BBTM à 15 ans, 6BBSG à 23 ans), une plate-forme (par ex. PF3 = 120 Mpa) et une solution générique (par ex. XGB4+2.5BBTM), on détermine la couche de base minimale (par ex. 15GB4) au regard du critère de dommage.
Il est alors possible de calculer un coût actualisé agrégeant les coûts de construction et d’entretien sur une période de 30 ans (en conformité avec la durée retenue par la circulaire de la DSCR).

Vérifier la robustesse aux retards d’entretien

Comme on le constate en analysant la figure « Évolution du dommage », au cours de la période de référence (30 ans), les entretiens successifs permettent de maintenir la courbe de dommage de la stratégie progressive sous la droite fatidique (D = 1).
Cependant, dans certains cas, le retard dans les entretiens, notamment le premier, pourrait se traduire par une augmentation dangereuse du dommage, rapprochant ce dernier, de la valeur fatidique 1 et ainsi s’avérer très préjudiciable à la chaussée.

Il sera alors nécessaire d’écarter les solutions correspondantes, leur robustesse au report des travaux étant trop faible.

 

Conclusions

 

  1. Mise en œuvre depuis 20 ans avec le succès que l’on connaît, la stratégie d’aménagement progressif de Cofiroute a été formalisée dans ERASMUS comme une approche rationnelle, cohérente avec la « méthode française de dimensionnement ».
  2. Les matériaux de la chaussée ne sont plus considérés comme constants : leurs performances évoluent avec leur vieillissement et leur dommage.
  3.  La chaussée initiale est optimisée en intégrant l’apport structurel des entretiens successifs et en prenant en compte les excellentes performances des matériaux bitumineux au jeune âge.
  4.  Des scénarios de construction et d’entretien cohérents avec l’intuition et l’expérience des ingénieurs responsables des chaussées à Cofiroute et chez ses Maîtres d’œuvre ont été établis pour les autoroutes A28 et A85.
  5.  En termes économiques, la stratégie progressive présente un avantage important par rapport à la stratégie préventive.

Perspectives de la stratégie progressive

 

  1. L’incertitude sur la prédiction long terme du trafic poids lourd n’est plus un problème puisque la chaussée sera adaptée en fonction de l’évolution de ce dernier.
  2. Les chaussées épaisses construites sur la base de trafics hypothétiques à 20 ou 30 ans sont abandonnées pour les sections interurbaines.
  3.  Il est plus profitable de réaliser des chaussées avec des durées de vie structurelles courtes et d’échelonner dans le temps les apports structurels au fur et à mesure des besoins.
  4.  Choisir une stratégie progressive implique cependant de mettre en place un système de suivi structurel de la chaussée et un suivi du trafic lourd, par exemple à l’aide de stations de pesage en marche, permettant de déclencher les entretiens structurels nécessaires au maintien du niveau de service.